Pour la suite de cette étude, je renvoie les nouveaux lecteurs à l’introduction du premier article pour connaitre les détails (auteur, époque, traduction…) concernant le document étudié, les Maximes de Ptahhotep. Dans ce second article, il paraît plus pertinent de nous pencher sur les maximes 1, 2 et 3, qui forment un ensemble cohérent. En effet, celles-ci parlent tour à tour de l’attitude à avoir avec un orateur « qui a plus de maîtrise » que soi, « égal » à soi et enfin « inférieur ».
Maximes 1 à 3
Maxime n°1
extrait de L’Enseignement de Ptahhotep, Bernard MATHIEU
Si tu rencontres un orateur à l’œuvre, qui a plus de maîtrise et de qualité que toi, incline-toi, courbe l’échine, ne le défie pas, il lui sera impossible de se confronter à toi. Tu rabaisseras celui qui parle à tort en ne l’affrontant pas quand il est à l’œuvre; il passera pour un complet ignorant quand ta retenue aura été confrontée à sa faconde.
Maxime n°2
extrait de L’Enseignement de Ptahhotep, Bernard MATHIEU
Si tu rencontres un orateur à l’œuvre, qui est ton égal, à ta main, tu dois faire prévoir ta qualité sur la sienne par le silence, quand il se livre à de mauvais propos. Grand sera le désaveu de la part de l’auditoire, et ton renom irréprochable à la connaissance des grands.
Maxime n°3
extrait de L’Enseignement de Ptahhotep, Bernard MATHIEU
Si tu rencontres un orateur à l’œuvre, (d’un talent) inférieur, et non ton égal, ne te montre pas arrogant envers lui sous prétexte de sa faiblesse, abandonne-le et il se punira lui-même. Ne lui réponds pas pour soulager ta conscience, ne comble pas les vœux de celui qui te fais face, – il est déplacé de démolir l’inférieur – et l’on agira selon tes vœux. Tu le frapperas par la punition que (lui) infligeront les grands.
Orateur : Personne qui prononce un discours devant des assistants ou personne éloquente, qui sait parler en public.(Larousse).
Les vertus de la retenue et du silence
Les trois maximes commencent par : « Si tu rencontres un orateur à l’œuvre ». Leur sujet est en effet le même, c’est-à-dire le comportement à adopter face à un autre intervenant et cela selon son niveau de maîtrise selon l’enseignement de Ptahhotep. Dans les trois cas, il recommande de faire preuve de réserve, de retenue voir de demeurer silencieux ou en retrait. Ceci est illustré par les passages suivants :
– « Tu rabaisseras celui qui parle à tort en ne l’affrontant pas… » et « ta retenue aura été confrontée à sa faconde » (Maxime n°1),
– « faire prévoir ta qualité sur la sienne par le silence » (Maxime n°2),
– « ne te montre pas arrogant envers lui sous prétexte de sa faiblesse, abandonne-le » et « Ne lui réponds pas pour soulager ta conscience » ((Maxime °3).
L’attitude préconisée dans ce texte de sagesse égyptienne est celle inverse du fanfaron ou de l’extraverti. Ptahhotep décourage son fils ou son élève d’aller à l’affrontement ou de se donner en spectacle. Ceci est illustré notamment dans la maxime n°1 par cette phrase : « Il passera pour un complet ignorant quand ta retenue aura été confrontée à sa faconde. »
Retenue : Qualité de quelqu’un qui sait garder de la mesure dans ses réactions, l’expression de ses pensées. (Larousse)
Faconde : Grande facilité de parole ou bavardage abondant, excessif. Bagou, éloquence, prolixité, verbiage… (Larousse)
Honneur et déshonneur public
Il lui recommande également de ne pas aller au conflit ouvert avec un autre orateur, quel que soit son niveau. Ainsi, il demande à son fils de ne pas l’affronter, ne pas le défier, de l’abandonner et de ne pas lui répondre. Car il est question aussi de défendre sa qualité, donc aussi son honneur en public et sous le regard de ceux qu’ils nomment « les grands » (supérieurs hiérarchiques, hauts fonctionnaires, famille royal, pharaon, etc). Cette idée est illustrée par les propos suivants :
– « Il passera pour un complet ignorant quand ta retenue aura été confrontée à sa faconde » (Maxime n°1).
– « Grand sera le désaveu de la part de l’auditoire, et ton renom irréprochable à la connaissance des grands. » (Maxime n°2)
– « il est déplacé de démolir l’inférieur – et l’on agira selon tes vœux. Tu le frapperas par la punition que (lui) infligeront les grands. » (Maxime n°3)
Selon la mentalité des anciens égyptiens le comportement que l’orateur a en public peut être source d’honneur ou de déshonneur, tout comme le contenu de ses propos. Sa qualité se mesure aussi à son attitude et pas seulement à la pertinence de ce qu’il dit. Pour un orateur, aller à l’affrontement public ou chercher à démontrer à tout prix qu’il a raison, ne sont pas les bonnes attitudes à avoir. Cela peut au contraire le desservir. Il est nécessaire de savoir se retenir ou de maitriser ses émotions, ceci est illustré par la Maxime n°3 avec l’extrait suivant : « Ne lui réponds pas pour soulager ta conscience. » Ptahhotep demande à son fils de ne pas se laisser emporter.
Pour conclure sur les maximes n°1 à 3
Les maximes n°1 à 3 nous en apprennent un peu plus sur la mentalité des anciens égyptiens et leurs valeurs. Ces trois passages sont dans la continuité de l’avertissement liminaire, que nous avions étudié dans l’article précédent. Les comportements appréciés par cette culture apparaissent comme ceux empreint de réserve, de modestie et de retenue. Le silence et la parole juste sont préférés aux verbiages. Dans ces maximes, il est intéressant de relever que les anciens égyptiens préfèrent laisser une personne démontrer publiquement elle-même ses défauts et ses erreurs, plutôt que de la confronter et d’aller au conflit. Car il est important de préserver son honneur et de démontrer ses qualités en public, en ne s’engageant pas dans un affrontement (ou en initiant celui-ci), ni en se positionnant en juge de la qualité des propos de l’autre. Cela revient à ceux que Ptathhotep désigne par le terme de grands.
Bibliographie :
– L’Enseignement de Ptahhotep, Bernard MATHIEU, Université Montpellier 3 Paul-Valéry, février 2013
– Les maximes de Ptah-Hotep: L’enseignement d’un sage au temps des pyramides, Christian Jacq, Maison de vie éditeur, 2016
– Les maximes de Ptahhotep, Zbyněk Žába, Académie tchécoslovaque des Sciences, 1956
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