Les rituels quotidiens et moi, ça fait deux. Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai toujours eu du mal à en instituer. Pourtant les périodes où je me suis astreinte à cela, j’ai vécu de bons moments. Mais, je ne tiens pas sur la durée.
Les prêtres/prêtresses pris à tord comme modèles ?
Pour ce qui concerne la tradition égyptienne ou netjerisme, je pense avec le recul savoir pourquoi. Très souvent, ce sont les rituels quotidiens des temples, performés par les prêtres et les prêtresses, qui sont pris comme modèle pour restaurer la pratique moderne de Monsieur et Madame Tout-le-monde. Sauf qu’en Égypte ancienne, ce type de services était celui d’une catégorie restreinte de la société, avec une fonction précise, et pas du tout de la majorité du peuple. Il y a certes moins de sources concernant le rituel domestique au sein de la population égyptienne antique, mais il y en a suffisamment pour constater une différence. Par exemple, il n’y a pas de naos chez les particuliers, mais des autels surélevés ou des niches murales. Ceux qui ne possédaient pas d’installation fixé aux murs de la maison, recouraient à des tables d’offrande sur pied, des plateaux, des nattes, divers supports et des bassins portables. Ce sont les fouilles menés à Deir el-Medina et el-Amarna, qui ont permis aux archéologues de trouver des témoignages de ces pratiques. Aucune preuve n’a permis d’affirmer qu’ils s’astreignaient strictement aux mêmes obligations rituelles. Les archéologues ont seulement pu relever des preuves qu’ils réalisaient des rites de purification à l’aide de fumigations d’encens et/ou des libations. Ils faisaient des offrandes alimentaires, liquides ou d’objets. Ils utilisaient des paroles magiques et érigeaient dans leurs maison des images divines protectrices. Mais rien ne permet de penser qu’au sein des foyer, il ritualisait avec la même régularité que dans les temples. Il est plus probable, qu’ils ritualisaient selon leurs besoins et de façon irrégulière, mais prenaient part aux grandes fêtes annuelles communes. Longtemps, j’ai culpabilisé de ne pas réussir à ritualiser régulièrement alors qu’en faite rien ne m’y oblige en tant que pratiquante lambda. C’est seulement le devoir des prêtres et des prêtresses, qui agissent en lieu et place de pharaon dans les temples. Leurs fonctions comportaient des devoirs, qui n’incombaient pas aux restes de la population.
Rites spontanés
Éventuellement, le seul rituel qui pourrait devenir quotidien ou plus régulier, est le salut au soleil levant. C’est celui qui me procure le plus de joie et qui est le plus naturel ou spontané. Cependant, je n’arrive à en faire une routine. De la même façon, j’aime bien aussi celui du soir pour saluer le crépuscule. Ce sont deux moments de la journée qui me semblent magiques, entre deux mondes, entre le jour et la nuit, des charnières ou moment de passage. Et saluer cet astre est ce qui me semble le geste le plus concret et le plus évident d’une journée. Sans le soleil, pas de jour. Sans lui pas de vie. Idem pour les hommages aux cours d’eau. Sans eau pas de vie, etc.
Sincérité
Je pense que la spontanéité et la sincérité sont les ingrédients importants pour que mes gestes aient du sens dans le cadre de la pratique privée. Je n’arrive pas vraiment à me forcer à « faire », parce qu’on m’a dit de « faire ». Ma relation quotidienne au divin est personnelle et intime. Je célèbre cependant les grandes fêtes annuelles, qui sont des temps importants. Mais au tous les jours, je ne trouve pas d’intérêt ou de sens à forcer les choses. J’admire ceux, qui parviennent à s’astreindre à cette routine. Je trouve que c’est un geste magnifique. Mais, ça ne fonctionne pas avec moi. Depuis que j’ai renoncé à cela, je vis mieux. La culpabilité et les doutes ont quitté mon esprit à ce sujet. J’ai mis du temps à lâcher prise et surtout j’ai compris qu’honorer « ce qui est divin » ne passe pas seulement par ça. Je l’honore à ma façon en d’autres occasions de la vie quotidienne et cela a plus de sens pour moi, comme par exemple d’être consciente que mes actes sont aussi une façon d’agir en leur honneur. Il en va de même dans la tradition germanique (Ásatrú) où il ne me semble pas avoir vu ou lu de témoignages concernant une pratique journalière privée régulière. Je crois plutôt que c’est la célébration de grandes fêtes annuelles et des rites selon les occasions, qui rassemblent la communauté sur une base régulière. Je suis encore novice au sein de celle-ci, corrigez-moi si je me trompe.
Honorer le divin dans sa façon d’agir
Si les prêtres et prêtresses peuvent nous paraitre comme un idéal de serviteur du divin, rien ne nous oblige pourtant à nous conformer à leurs pratiques en pensant être un/une meilleur pratiquant(e) en le faisant. Il n’y a pas de déshonneur à ne pas être un sacerdote. Je pense que le plus important est de pratiquer d’abord avec sincérité. Car une spiritualité n’est pas un jeu, ni du théâtre ou une façon de sa fabriquer des histoires pour romancer son existence. Vous pouvez incarner votre foi dans votre travail, vos rapports amicaux, familiaux, dans vos créations, dans votre art, dans votre artisanat, dans vos écrits, dans votre façon de montrer du respect aux autres, de tenir votre parole, de représenter votre tradition, etc. La spiritualité se manifeste aussi dans l’art de vivre, pas seulement devant l’autel domestique.
Sources
– Personnal religious practice: house altars at Deir El-medina par Lara Weiss (2009), The Egypt Exploration Society (London)- Popular religion par Elisabeth A. Waraksa et John Baines, Oxford University
– Domestic religious practices par Anna Stevens, UCLA (University of California) encyclopedia of egyptology
– Private Religion at Amarna: The Material Evidence par Anna Stevens, Center for Archaeology and Ancient History, Monash University, Melbourne
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