Cela faisait un moment que Brocéliande figurait sur ma liste de lieux à découvrir. J’avais entendu de nombreux récits élogieux de personnes qui s’y étaient rendues, il y a plusieurs années. J’en gardais donc une image plutôt positive, même si certains échos plus récents évoquaient un lieu devenu trop « touristique » par rapport à ce qu’il avait été. Donc, quand nous avons réfléchi cet hiver à notre destination de vacances estivales, j’étais ravie que mon époux et moi soyons tombés d’accord sur un gîte à proximité du Val sans Retour, non loin de Tréhorenteuc. Pour une femme polythéiste, un pèlerinage à Brocéliande est presque un passage obligé. Pourtant, contrairement à beaucoup de mes coreligionnaires, je ne suis pas revenue enchantée.
Juste une belle forêt
Nous sommes donc partis début juillet en direction de la région de Josselin, Ploërmel et Tréhorenteuc. Pour être honnête, c’est notre balade à Josselin qui m’a le plus ravie. Mais revenons à Brocéliande. Ce jeudi-là, par beau temps, nous sommes partis vers 9h30 pour marcher dans le Val sans Retour, en suivant la boucle courte afin de profiter du reste de la journée pour nous reposer au gîte. Le cadre naturel est indéniablement beau. La forêt a son charme avec son val ombragé, ses petits ruisseaux dont la couleur ocre m’a surprise, ses rochers, ses reliefs. D’un point de vue paysager, cela mérite le détour. Je dirais même que le lieu pourrait très bien se passer des ajouts symboliques et des légendes : sa beauté tiendrait sans cela. Toutefois, ce n’est pas non plus une forêt exceptionnelle. J’ai vécu des expériences plus fortes en émotions dans d’autres forêts ou d’ailleurs, voire même des bois ou bosquets plus modestes et bien moins connues. La taille, ça ne compte pas !
L’Arbre d’Or, un symbole qui me laisse perplexe…

Nous avons failli rater l’Arbre d’Or, qui m’a laissée perplexe. Le choix de cette œuvre, recouvrant un arbre mort de 5000 feuilles d’or, censée symboliser la fragilité de la forêt après les incendies de 1990, ne me parle pas. Certes, la silhouette de l’arbre, rappelant des bois de cerf, est intéressante. Mais cette surenchère de dorure… non. À mes yeux, c’est trop. D’après les articles consultés, l’œuvre a coûté 350 000 francs à l’époque. Une somme énorme, mal employée à mon sens. L’extraction de l’or est une activité extrêmement polluante, responsable de la destruction de forêts à l’autre bout du monde. Alors symboliser la fragilité d’un écosystème local avec un métal rare et destructeur ailleurs ? Pour moi, cela n’a pas de sens. Après, chacun son opinion.
Une balade agréable
La suite de la balade dans le Val sans Retour a été agréable. Nous sommes passés à côté du Miroir aux Fées, qui ne m’a pas parue plus féerique que d’autres mares croisées dans d’autres bois. Fans de Brocéliande, ne me jetez pas de pierres en lisant cela ! Pitié ! Il y a des milliers de mares en France avec tout autant de charme. Celle-ci en a, bien sûr, mais pas au point de me laisser un souvenir impérissable. J’ai été plus émue par des mares très simples, rencontrées au hasard de promenades ou de trajets matinaux. La magie, la poésie, résident parfois dans un instant unique, quand se conjuguent lumière, brume, silence, odeur, et apparition furtive d’un animal par exemple.

Il est possible que l’image idéalisée que je m’étais faite du lieu ait joué contre lui. Je n’écarte pas cette hypothèse. Nous sommes passés devant le Siège de Merlin sans savoir que c’était lui, et ne l’avons compris que plusieurs centaines de mètres plus loin, en voyant une pancarte annonçant le site 250 mètres derrière nous. Le Rocher des Faux-Amants, lui, était plus facile à identifier. Mais je ne suis pas que critique : la vue depuis les crêtes est splendide. Nous y sommes restés un moment, assis, à admirer le paysage (et à reprendre notre souffle après la montée).

Un lieu vidé de son essence, peut-être ?
Je n’ai ressenti ni expérience mystique, ni frisson particulier, dans un lieu pourtant présenté comme chargé d’histoire et de légendes païennes. Je pense que la fréquentation intense y est pour quelque chose. Quand un lieu est trop exposé au tourisme, il perd quelque chose de son intimité, de sa puissance. Pour ma part, je ne partage plus la localisation de mes coins de promenades près de chez moi ou de recueillement, pour éviter qu’ils n’attirent trop de promeneurs.

Réensauvagez, et apprenez à aimer votre environnement immédiat. La nature a mille visages. Il y a, à quelques pas de chez soi parfois, des lieux tout aussi propices au recueillement, au sacré, à l’émerveillement. Des lieux à redécouvrir, à protéger ou à restaurer. Bref, je ne retournerai pas à Brocéliande. Non seulement parce que je ne suis pas tombée amoureuse du lieu, contrairement à beaucoup de païens — même s’il a ses charmes —, mais aussi parce que je ne souhaite pas alimenter le (sur)tourisme vers cette destination. Je laisse ce coin de nature à ses riverains, pour qu’ils puissent en jouir longtemps, et sachent le préserver avec sagesse des ravages du tourisme de masse. Pendant ce séjour, ce n’est pas là que ma sensibilité aux traditions ancestrales s’est ravivée, mais à quelques kilomètres de là, dans un bois plus modeste, intime et inconnu, jouxtant simplement le lieu où nous logions.