Le calendrier des anciens égyptiens est loin d’être simple à restaurer à notre époque pour plusieurs raisons. Même si plusieurs personnes s’y sont essayés, aucune réponse à ce jour n’ai probablement parfaite. Car toute implique de faire des choix sans savoir avec certitude si les anciens auraient fait de même. En effet, depuis la fin de la civilisation égyptienne ancienne, certains des repères ayant servis à l’élaboration de ce calendrier ont évolué, ne permettant plus d’appliquer à la lettre les méthodes anciennes sans avoir à se poser des questions. Je vais tenter d’exposer ici les difficultés auxquels nous sommes confrontés en tant que netjeristes pour restaurer celui-ci dans un contexte contemporain.
Fonctionnement du calendrier des anciens égyptiens
1. Calendrier lunaire
Comme beaucoup de civilisation ancienne, les anciens égyptiens utilisèrent d’abord un calendrier lunaire. Il était composé de 12 mois ou lunaisons, dont la durée alternait entre 29 et 30 jours (moyenne 29,5), soit une année de 354 jours (12 x 29,5 = 354). Celle-ci retardait donc de 11 jours et un quart par rapport à l’année solaire, qui est en moyenne de 365,25 jours. Il fut relégué au seconde plan, mais pas totalement abandonné, au profit d’un calendrier solaire. Il servit encore pour marquer certaines fêtes religieuses.
2. Calendrier solaire
Le calendrier solaire égyptien est composé de 12 mois de 30 jours (12 x 30 = 360 jours). Ces douze mois furent regroupés en 3 saisons de 4 mois chacune (3 x 4 = 12 mois). Il débute avec la crue du Nil. Elle est liée aux pluies de mousson sur les hauts plateaux d’Abyssinie en amont du fleuve au cœur du continent africain, dont le début pouvait varier. Cette crue arrive dans la région du Caire vers le 20-25 juin soit aux alentours du solstice d’été. Il ne faut pas imaginer une crue, qui se produisait à date fixe tous les an. Elle était observable plutôt au sein d’une même période d’une dizaine de jours tous les ans, plus ou moins tôt ou tard selon les années.
3. Des repères saisonniers et astronomiques
Il s’avère que ces trois phénomènes lever héliaque de l’étoile Sirus – crue du Nil – Solstice d’été se produisaient à peu près dans ce même laps de temps au début de la civilisation égyptienne. Par exemple, vers 2000 avant J.C, le lever héliaque de l’étoile Sirius avait lieu une dizaine de jours après le solstice soit fin fin juin/début juillet. On pouvait être sûr que le Nil débutait sa crue quand l’on voyait de nouveau l’étoile se lever à l’horizon à l’aube juste avant le soleil. Aujourd’hui selon le point d’observation choisi en Égypte, ce lever héliaque a lieu entre fin juillet et début août, alors que la montée des eaux en amont du barrage d’Assouan a toujours lieu aux alentours du solstice d’été. La crue durait environ 4 mois et s’achevait peu après l’équinoxe d’automne. Les trois saisons de l’année égyptienne ancienne correspondant à trois périodes agricoles liées à la vie aux bords du Nil : crue du Nil, décrue et semailles, saison chaude et récolte, soit :
- Akhet (crue du Nil),
- Peret (période de décrue, semailles, germination),
- Chemou ou Shomou (récolte, moisson, saison des basses eaux).
Au début, les mois n’avaient pas de noms et étaient numérotés, puis plus tard au Nouvel Empire ils furent nommés en référence à des divinités.
4. Le problème de l’année vague, qui se décale…
Mais l’année tropique ne compte pas en réalité 360 jours, mais 365 jours 1/4. Ils rajoutèrent donc cinq jours à l’année telle qu’elle était déjà constituée. Ces jours additionnels furent nommés jours épagomènes et célébraient la naissance des enfants de Nout : Osiris, Horus l’ancien, Seth, Isis et Nephtys. Ceci fait en effet référence au mythe où Ra, contrarié par les amours de ses petits enfants Geb et Nout, avaient ordonné à Shou de les séparer toute l’année soit 360 jours. Thot eu pitié de la pauvre Nout et joua une partie de dés contre la lune. Il gagna cinq jours supplémentaires, les jours épagomènes, qui firent passer le calendrier de 360 à 365 jours. Ceux-ci n’appartiennent à aucun mois et sont considéré comme hors du temps normal. C’est durant ces cinq jours supplémentaires qu’elle donna naissance à Osiris, Seth, Isis et Nephtys. C’est aussi pour cette raison que le premier mois de l’année est appelé Djéhouty ou Thot, car il est consacré à ce dieu associé au temps et au calendrier. Cette année égyptienne de 365 jours est aussi connue sous le nom d’année vague. En effet, 365 jours ne font toujours pas 365 jours 1/4. Ce retard de 1/4 de jour par an produit un décalage d’un jour tous les quatre ans. Dans notre calendrier actuel, dit Grégorien, c’est pour cette raison que nous avons une année bissextile tous les 4 ans, pour résoudre ce problème.
5. Le décret de Canope
Il faudra attendre le décret de Canope sous le règne du pharaon Ptolémée III Évergète en 238 av. J.-C pour qu’un sixième jour épagomène soit ajouté tous les 4 ans et éviter ce décalage. Avant cette correction, les anciens égyptiens devaient attendre 1461 ans, pour que leur calendrier solaire se recale correctement avec l’année solaire, c’est ce qui est appelé une période sothiaque.
6. Le 19 juillet julien, date du nouvel actuel ou pas ?
Souvent dans les ouvrages de vulgarisation sur l’Égypte ancienne destiné au grand public, le ou les auteurs parlent de la date du 19 juillet comme date du nouvel an. Il s’agit d’une date du calendrier julien, hors nous fonctionnons avec un calendrier grégorien. Elle provient du témoignage du grammairien Censorinus en 139 ap J.C, extrait de son ouvrage De Die Natali. Cette année là, le levée de l’étoile Sirius coïncidait de nouveau exactement avec la date du nouvel an du calendrier civile. A cette époque, il a y peu d’écart entre une date julienne et grégorienne, ce qui donne un ordre d’idée assez juste de la période du nouvel an, puisque cela correspond au 20 juillet grégorien. Mais ce n’est pas toujours le cas, il faut donc bien vérifier la source de sa date.
7. Hypothèses égyptologiques autour des calendriers égyptiens
Bien que cette année vague soit difficile à gérer, elle semble avoir été utilisée pendant la majeure partie de la civilisation égyptienne ancienne. Mais les égyptologues ont trouvé quelques rares traces de plaintes concernant ce système comme dans le papyrus Anastasi IV datant de la XIX dynastie, le scribe y écrit : « Préserve-moi, de l’année boiteuse ! Viens à moi, Ô Amon ! Sauve-moi de cette année défectueuse. Il est arrivé au soleil de ne pas se lever, l’hiver est arrivé en été, les mois se succèdent dans le mauvais sens, les heures sont en désordre ». Ce témoignage prouve que les anciens égyptiens avaient bien conscience de ce défaut.
Anne-Sophie von Bomhard , égyptologue française et auteur de l’ouvrage, le calendrier égyptien une œuvre d’éternité, a émis l’hypothèse qu’ils utilisaient conjointement un calendrier fixe dit sothiaque, dont le premier jour était fixé au levé de l’étoile Sirius ou Sothis. Ils auraient eu recourt à un jour supplémentaire tous les 4 ans, le cycle annuel de Sothis dure de plus 365,250 jours. Il n’existe pas pour l’instant pas de preuve indiscutable pour affirmer que son hypothèse (calendriers coulissants) soit la bonne. De nombreuses théories avancent que les anciens égyptiens auraient pu utiliser plusieurs calendriers pour compenser le soucis de l’année vague, elles sont toujours discutées à ce jour. Vous comprenez donc pourquoi la question de reconstituer un calendrier égyptien aujourd’hui est loin d’être simple, car il n’est pas possible d’appliquer à la lettre les méthodes anciennes, certains points de repères ayant évolués en particulier l’étoile Sirius/Sothis.
Exemple de deux reconstitutions contemporaines
Par exemple l’auteur italien Luigi Tripani publie depuis plusieurs années un Egyptian Religious Calendar, qui est une reconstitution du calendrier égyptien basé sur l’année vague. C’est à dire que son calendrier se décale tous les 4 ans de un jour, ainsi sa date de nouvel an ne coïncide avec le lever de Sirius (Sothis) à Memphis en Égypte (point d’observation qu’il a choisi et qui est aussi une référence ancienne) tous les 1461 ans. Ceci oblige aussi les netjeristes ou khémites contemporains à modifier leur calendrier de correspondances dates grégoriennes/dates égyptiennes tous les 4 ans pour se décaler d’un jour. Il n’a en effet pas adopté la réforme du décret de Canope qui fixe l’année et ajoute un jour tous les quatre ans. Si je prends le calendrier du groupe de l’orthodoxie khémite de House of Netjer aux USA, celui-ci est fixe. Ils n’ont pas opté pour l’année vague et intercale un jour supplémentaire tous les quatre ans, pour résoudre le problème du décalage. Par contre, ils ne tiennent pas compte de la crue du Nil, ni de la correspondance avec nouvel an/période du solstice, ni des saisons et prennent le lever de Sirius d’une ville aux USA comme référence et non d’une ville en Égypte. Mais, leur système peut-être utilisé comme calendrier perpétuel et ne se décale pas tous les 4 ans d’une journée, comme le système d’année vague repris par Luigi Tripani. Tamara Legan Siuda, auteur de ce calendrier, décrit celui-ci en ces termes dans son ouvrage The ancient egyptian daybook :
« The Kemetic Orthodox festival calendar is such a synthesis, being an Alexandrian-style calendar with some dates rendered lunar-style (notably certain lunar holidays), and Wep Ronpet determined by the date that Sirius rises the religion’s main temple as its headquarters/royal residence. Our calendar also makes an adjustment for leap years.»
The ancient egyptian daybook, Tamara Legan Siuda, Lulu.com, 2016
Traduction en français
« Le calendrier des fêtes khémites orthodoxes est une synthèse, étant à la fois un calendrier de style alexandrin avec certaines dates de type lunaires (notamment certaines fêtes lunaires), et un Wep Ronpet (nouvel an) déterminé par la date à laquelle Sirius se lève au niveau du temple principal de notre communauté (aux USA), considéré comme siège ou résidence royale. Notre calendrier effectue également un ajustement pour les années bissextiles.»
The ancient egyptian daybook, Tamara Legan Siuda, Lulu.com, 2016
J’espère que ce premier article au sujet du calendrier des anciens égyptiens , vous aura permis de comprendre les difficultés que les netjeristes rencontrent concernant sa restauration. D’autres points seront abordés prochainement dans des articles complémentaires.
Bibliographie
- The ancient egyptian daybook, Tamara Legan Siuda, 2016
- L’astronomie de Pharaon, Alain Barutel, Chapitre.com, 2016
- Le calendrier égyptien une œuvre d’éternité, Anne-Sophie von Bomhard, Periplus Publishing London Ltd, 1999
- Egyptian Religious Calendar, Luigi Tripani
- La mythologie égyptienne, Nadine Guilhou, Janice Peyré, 2006
- Temple festival calendars of ancien egypt, Sheril El Saban, Liverpool University Press, 2000
Laisser un commentaire