Le Netjerisme, tel que je le perçois dans sa version contemporaine, soit une résurgence de la religion des anciens égyptiens, est souvent envisagé comme un tout cohérent, une seule voie. Pourtant, au fil de mes études, de mes réflexions et de mes expériences personnelles, j’ai progressivement discerné plusieurs cheminements au sein de cette tradition, chacune apportant son propre éclairage. Dans ce billet, je souhaite partager une réflexion intime et évolutive sur ces diverses voies, tout en explorant comment elles se tissent et s’articulent dans une vision à la fois unifiée et multiple de la spiritualité du Netjer.

Une spiritualité, plusieurs voies : Un et Multiple

Le principe fondamental du Netjérisme repose sur l’idée de l’unité dans la diversité, une notion que l’on retrouve aussi bien dans les Dieux que dans les pratiques elles-mêmes. Ce un qui se déploie en multiple constitue toute la richesse de cette tradition. Les Netjerou, ces divinités, sont à la fois une source unique et un principe divin, le netjer, mais elles se manifestent sous des formes et des aspects variés, les netjerou. De la même manière, le Netjerisme offre plusieurs voies, chacune incarnant une facette de cette quête spirituelle, sans qu’aucune ne soit supérieure à une autre. Chacune de ces voies est interconnectée, mais suit son propre chemin singulier, tout en restant profondément liée à cette unité primordiale, ce tout. Voici comment je perçois et distingue aujourd’hui ces voies, qui sont à la fois distinctes et complémentaires :

🔹 Le Netjerisme sacerdotal

Ce courant s’adresse à celles et ceux qui souhaitent devenir prêtre ou prêtresse d’une ou plusieurs divinités. Il repose sur l’étude approfondie des rites et fonctions cultuelles de l’Égypte antique, dans une volonté de restaurer ou adapter les pratiques des temples. Les pratiquants sacerdotaux cherchent à honorer Netjer à travers un service rituel régulier, des offrandes, des purifications, et une certaine rigueur spirituelle. Le lien au divin est structuré, codifié, et centré sur le devoir de représentation terrestre des dieux. Les officiants connaissent aussi la pratique de la magie ou Héka, qu’on trouve dans le netjerisme magique.

🔹 Le Netjerisme magique ou hékatique (de Héka)

Dans ce courant, les pratiquants se perçoivent plutôt comme mages que comme prêtres. Leur relation aux divinités est intime et opérationnelle, centrée sur le Heka, la magie égyptienne vue comme force créatrice, transformative, et protectrice. Certains suivent également une voie sacerdotale en parallèle, notamment si leur Netjer principal est lié à la magie (comme Thot, Isis, Sekhmet, ou Heka lui-même), mais ce n’est pas une condition. Les pratiques incluent des invocations, la création d’amulettes, l’utilisation des noms divins, des formes de divination traditionnelle (divination par les osselets, le miroir, un bol d’eau ou l’interprétation des rêves), l’élaboration d’encens magiques, de papyrus magiques, l’incubation des rêves à but divinatoire ou prophétiques. Les pratiquants ne sont pas des sorciers ou des sorcières (ou une branche de la witchcraft), mais des mages.

🔹 Le Netjérisme ésotérique

Certains voient dans la tradition égyptienne un culte à mystères, comparable aux anciennes écoles initiatiques. Cette voie est centrée sur l’expérience intérieure et l’initiation progressive, que ce soit à travers des méditations, des rêves rituels, des explorations du Duat (l’au-delà), ou des enseignements symboliques réservés à un cercle plus restreint. La transformation personnelle est ici un chemin sacré, souvent codifié par étapes, rites de passage, ou révélations personnelles. Les pratiquants y apprennent aussi ce qu’est la héka ou magie égyptienne, mais visent moins à devenir des « mages » peut-être que dans la voie purement magique.

🔹 Le Netjerisme artistique

Cette voie se caractérise par l’expression artistique ou artisanale comme un acte de dévotion à Netjer. Les pratiquants s’engagent dans la création d’œuvres d’art ou d’objets artisanaux inspirés des formes anciennes de l’Égypte, qu’il s’agisse de sculpture, peinture, poterie, tissage, musique, danse ou de toute forme de création manuelle ou visuelle. Ces pratiques ne sont pas simplement des activités créatives, mais des rituels en soi, où chaque geste est pensé comme un acte de vénération divine. Les artistes créent non seulement pour honorer les dieux, mais aussi pour participer à l’œuvre de création du Netjer et s’inscrire dans une tradition sacrée. La voie artistique est une manière de réactualiser et d’honorer les formes anciennes à travers la vision contemporaine de l’artiste dévoué.

🔹 Le Netjerisme philosophique (ou seshaïque)

C’est la voie qui me parle le plus profondément. J’ai d’ailleurs mis du temps à le comprendre. Elle s’inspire des enseignements éthiques, moraux et intellectuels de l’Égypte ancienne, notamment à travers les textes de sagesse appelés sebayt (comme ceux de Ptahhotep ou Amenemope). Le terme clé ici est Sesha (sSꜥ), qui signifie scribe : celui qui écrit, celui qui enregistre, et celui qui dessine, mais aussi celui qui cherche à comprendre, à savoir, à transmettre. C’est une voie d’étude, d’écriture, de réflexion, guidée par la quête de sens.

Le Netjérisme seshaïque est une démarche orientée vers :

  • L’étude des textes anciens, non pas pour les répéter, mais pour en extraire une sagesse précise et applicable aujourd’hui, comme la pointe du calame du scribe qui inscrit les choses justes ;
  • La pratique de Maât, non comme une idée abstraite, mais comme éthique du quotidien : justesse, équilibre, vérité, harmonie ;
  • Le développement personnel par la connaissance, la pratique de la Maât, et une forme d’éthique visant la recherche de ce qui est juste, accomplie avec la précision d’un geste conscient, semblable à celui du scribe qui retranscrit la pensée, les textes de sagesse ou les comptes du temples sous forme de signes.

C’est une approche sobre mais profonde, parfois solitaire, qui considère que vivre en accord avec Maât est déjà un acte sacré.

** (paragraphe ci-dessous ajouté après publication de l’article en complément, après réflexion, le 01/05/2025)

Le Netjérisme écologique (ou éco-maâtique/per-maâtique)**

Cette voie, encore peu formalisée, s’ancre dans le désir profond de vivre en harmonie avec le monde créé, selon les principes d’équilibre, de justesse et de responsabilité portés par Maât. Elle ne repose pas seulement sur une conscience environnementale moderne, mais sur une vision cosmique où chaque être, chaque plante, chaque cycle naturel est une expression du Netjer, un élement de la création et mérite respect. Les pratiquants de cette voie cherchent à intégrer la spiritualité dans leurs choix de vie : sobriété volontaire, respect des cycles naturels, attention à la provenance des objets sacrés, préservation des écosystèmes, gestes rituels qui honorent non seulement les dieux mais aussi la Terre en tant que matrice du vivant. Ce cheminement invite à une éthique incarnée, à la fois simple et exigeante, où chaque acte devient un engagement à maintenir ou restaurer l’harmonie – non seulement en soi, mais aussi dans le monde. Vivre de manière raisonnée et raisonnable dans la gestion des ressources devient une forme contemporaine d’offrande à Maât.

Proposition de termes : éco-maâtique du grec oikos (la maison) utilisé dans écologie et Maât ou alors Per qui signifie maison en écriture hiéroglyphique et Maâ (juste, être en équilibre, droit, loyal) pour former le mot permaâtique.

Une pluralité féconde

Cette classification n’a rien d’officiel. Elle est une grille de lecture personnelle, issue de mon propre cheminement spirituel. Elle peut évoluer, se croiser, s’affiner. Mais elle permet de mieux comprendre la diversité des pratiques et des pratiquants, à situer ma pratique, et à dialoguer avec d’autres sans confusion. Car au fond, toutes ces voies ont en commun une même intention : honorer le Netjer, chacun à sa manière, sincèrement. Elles ne sont pas étanches, fermées sur elles-mêmes, mais sont liées, se connectent ou s’influencent mutuellement, car issues de la même culture et spiritualité.

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